« Ce qui est important, ce n’est pas ce que tu fais mais c’est comment tu le fais »

Propos recueillis par Ines Buchta et Anne Bischoff.

Connu pour avoir associé le reggae à la chanson française, Camille Bazbaz, compositeur de la musique du film « En liberté » réalisé par Pierre Salvadori, a cette fois-ci choisi le rock pour cette nouvelle collaboration avec le réalisateur. Camille Bazbaz nous raconte sa manière de composer de la musique de film et sa complicité amicale avec Pierre Salvadori qui fait appel, dans ses films, à notre humanité́.

Le cinéma belge est à l’honneur au festival cette année : qu’est-ce qui vous vient à l’esprit quand vous pensez à la Belgique ?

Toutes les bandes dessinées des années soixante, cinquante : Spirou, Tintin… Il y en a tellement qui sont venues de Belgique – c’est une école et je les aime beaucoup.

Vous êtes considéré́ comme le premier musicien français à avoir fait un mix entre le reggae et la chanson française. Qu’est-ce que vous aimez le plus dans cette association ?

Le reggae me plaît parce que c’est vraiment différent : c’est Bob Marley qui était le plus proche du vrai reggae jamaïcain de l’époque. En fait, c’est Serge Gainsbourg qui a été le premier artiste français à utiliser le reggae dans ses chansons. J’aime cette musique, parce que ça va bien avec le français. C’est un rythme et une ambiance, tu peux chanter et tu peux poser des textes. Le rock’n’roll en français est difficile : c’est la langue, il y a quelque chose qui ne passe pas bien.

Qu’est-ce qui change pour vous quand vous composez de la musique pour un film et quand vous écrivez pour un nouvel album ?

La musique que j’écris, c’est le vide. Je l’écris sur une page blanche. Il n’y a pas de limite, c’est juste moi contre l’univers. Quand tu composes la musique pour un film, tu as un cadre, tu as une histoire, des acteurs, des situations. J’aime bien quand je ne suis pas complètement libre, parce que c’est parfois fatigant de toujours inventer l’invisible. La musique, c’est une idée.

Des fois je m’inspire des dialogues, par exemple dans En liberté, il y a une phrase que j’adore : « C’était faux, mais c’était beau ». Je trouve que cela arrive qu’on passe du temps avec quelqu’un et qu’on se rend compte que c’était une bêtise. Alors, j’ai fait une chanson avec ce titre. Mais comme j’ai eu cette idée plus tard, je n’ai pas réussi à la finir pour le film.

En revanche, le problème dans le cinéma, c’est le cadre, parfois il change pendant qu’on est en train de travailler. Tu ne peux pas faire ce que tu veux, sinon cela ne devient ni bon ni harmonieux.

Pourquoi aimez-vous travailler avec Pierre Salvadori ? Qu’appréciez-vous dans ces films ?

Je travaille avec lui parce que j’aime ses films. C’est quelqu’un qui aime bien rire même si on est toujours au bord de la dépression et c’est quelqu’un qui parle de l’humanité. Il a envie de nous voir beaux – c’est-à-dire qu’il sait faire appel à la tendresse et à l’humour qui sont en nous, spectateurs. C’est pourquoi les héros dans ses films sont toujours des personnages qui n’arrivent pas à trouver leur place dans la société, qui ne sont pas des gens méchants, mais qui se trouvent dans des situations malheureuses, comme par exemple un accident. Au début, ce sont des personnages cool, mais ils sont rejetés par le système. Pierre Salvadori aime toujours faire des choses originales, pas classiques, comme les films qu’on voit tout le temps.

Il t’attire d’un côté, mais tout à coup, il fait « boom » et il va te tirer de l’autre côté.

Est-ce que Pierre Salvadori vous a dit quelle musique il aimerait avoir pour ces films ou vous a-t-il laissé une complète liberté ?

Les deux. Parfois, il me laisse carte blanche, et il dit : « Fais ce que tu veux. », d’autres fois, il dit : « Non, ça ne va pas, ce n’est pas ce que j’imaginais ». Pour En liberté, on a essayé plein de choses. On ne voulait pas faire des reprises ou aller chercher des chansons des sixties qui existaient déjà, on voulait de la musique originale. Nous communiquions tous les jours et on a fait beaucoup de petits essais avant de trouver ce qui convenait. En général, si tu fais la musique d’un film, tu dois rester cool, même si tu ne sais pas comment tu vas réussir à faire ce que le réalisateur te demande.

Où est-ce que vous voyez les forces d’En liberté ?

Il fait rire d’une jolie façon. Ce n’est pas la manière de la « tarte à la crème », mais il y a différents niveaux dans son cinéma. De plus, quand j’entends les gens rirent pendant le film, c’est une victoire, surtout pour Pierre qui a fourni le plus grand travail. J’aime tellement quand les gens rient, cela me touche beaucoup.

Avec Pierre Salvadori, on est d’accord sur une chose : ce qui est important, ce n’est pas ce que tu fais mais c’est comment tu le fais. Depuis toujours, on a raconté toutes sortes histoires, on a parlé de tous les thèmes de la vie, ce sont toujours les mêmes : l’amour, la guerre, la lutte, la révolution… Tout a déjà̀ été abordé mais ce qui est important, c’est toi et ton point de vue, ta vision.

Nous avons entendu dire qu’au printemps 2019, votre nouvel album va sortir. À quoi doit-on s’attendre ?

L’album va être à peu près comme les autres. Avec des chansons d’amour qui parlent toujours de la femme et des couples. Elles racontent des situations compliquées, parfois moins compliquées, de la fin ou du début d’une histoire d’amour…

Camille Bazbaz est né en 1967. Le musicien franco-libanais a commencé sa carrière avec un groupe de rock « Le cri de la mouche » dans les années quatre-vingt-dix. « En liberté » est la cinquième, mais assurément pas sa dernière collaboration avec le réalisateur Pierre Salvadori. Il aime travailler avec des amis comme par exemple le chanteur de reggae Winston McAnuff ou Brigitte, un duo de chanteuses françaises.

Ines Buchta (26) et Anne Bischoff (23) font des études de français à l’université de Tübingen. Elles ont aimé la franchise et la décontraction de Camille Babaz et elles sont heureuses d’avoir découvert son univers.

Quelle des Fotos: Französische Filmtage Tübingen