Le retour des embrouilles

Par Maren Leutfeld

Les canulars de François Damiens sont de retour, après une pause forcée due à sa notoriété grandissante grâce, notamment, au film  « La famille Bélier ». Ce qui est nouveau : il a réalisé son propre film de fiction, tourné entièrement en caméra cachée. Dans sa comédie « Mon Ket », il raconte l’histoire de Dany, un évadé de prison, qui veut transmettre son mode de vie peu recommandable à son fils Sullivan.

Un bandit bien gros, avec un aspect négligé et continuellement en état d’ivresse, coincé dans sa cellule, engueule le surveillant. C’est à cause de son retard. Puis, il rejoue la chanson House of the Rising Sun avec les paroles changées pour se lamenter sur sa vie en prison. Dans cette première scène de « Mon Ket », la vie carcérale peut encore sembler ordinaire. Mais cet acteur se trouve dans une vraie prison, dotée d’un tas de caméras cachées.

Le détenu Dany Vesavel (François Damiens) ne supporte plus la routine monotone de la prison. Après être passé devant les tribunaux et s’être vu retirer la garde de son fils, il se lance dans une tentative de fuite bien osée. Il s’accroche à une corde, tel un singe, afin de survoler la ville. Une fois atterri dans un parking, il fait semblant de piller sa propre voiture et se lance en quête de son fils. De l’argent et un portable coincés à l’intérieur de son corps, suite à une entreprise hasardeuse, lui imposent une escale à l’hôpital. C’est un criminel recherché qui apparaît à la télévision sous les regards stupéfaits de vrais patients. Par la suite, il est réuni avec son fils à l’école. À partir de là, il fait tout pour le prétendu bien de son fils Sullivan (Matteo Salamone), toujours observé par des personnes réelles. Parallèlement, il est à la recherche de son propre bonheur, toujours exposé au danger d’être arrêté par la police.

Les dialogues des quatre acteurs avec des passants mélangent réalité et fiction de manière réfléchie. Ne sachant pas que Dany et Sullivan sont des personnages fictifs, beaucoup de passants les prennent pour des déséquilibrés. Vu que leurs réactions ont l’air tout à fait naturelles, François Damiens démontre avec excellence que la caméra cachée permet de créer une comédie bien pensée avec des moyens simples.

Le réalisateur a cependant investi énormément de travail dans le montage et la recherche de personnes piégées qui ont autorisé la diffusion. Les gros plans sur les visages des personnes extérieures réussissent à capturer, aux moments les plus drôles, leurs regards décontenancés. Ainsi s’identifie-t-on mieux à la cliente qui se fait insultante et traite Dany de cinglé dans un bureau de tabac. On ressent presque soi-même le besoin de réprimander ce père déraisonnable qui apprend à fumer à son fils.

Cette compréhension des personnes extérieures est aussi valable pendant le dialogue des professeurs avec Dany lorsqu’ils cherchent désespérément à garder cet enfant à l’école. Alors que la caméra change toujours de plan avec le même professionnalisme que dans des films avec une caméra visible, il faut tenir compte du fait que la plupart des dialogues ne sont en aucun cas fictionnels. Les perspectives sur la vie quotidienne sont authentiques à tel point qu’on réfléchit à la manière dont on aurait réagi, ainsi que sur nos propres limites.

Grâce aux changements de plans rapides, le film met également en valeur l’ambiguïté de Dany et Sullivan. Divisé entre le fait d’être père et de mener une vie de bâton de chaise, Dany se trouve dans un processus de développement et finit par reconnaître qu’il ne peut pas échapper à ses responsabilités. Le contraste extrême avec sa vie agitée d’autrefois souligne l’importance de la famille.

De la même façon, Sullivan est à la recherche d’un équilibre entre le souhait d’être aimé par son père et son épanouissement personnel. Ce déchirement évident, mis en scène de manière comique, permet probablement aux adolescents de s’y retrouver. Tandis que Dany, enthousiaste tout au long de leurs activités, est convaincu d’assurer le bien-être de son fils, Sullivan reste souvent discret et a l’air ennuyé. Il n’a donc pas besoin d’un vrai footballeur qui lui chante, à plusieurs reprises, une chanson d’anniversaire ou d’autres activités exceptionnelles, mais plutôt des soins de son père dans sa vie quotidienne. Afin d’être aimé par Dany, il accepte tout ce qu’il lui propose. Il en résulte des situations dans lesquelles on peut se moquer des stupidités initiées par le père. Pour ce faire, la caméra capture très précisément et longuement comment Sullivan fait souvent grise mine.

Tout compte fait, cette comédie sur la famille réussit à exploiter à fond la caméra cachée pour créer un film très innovant et expressif.

Cela réclame une suite. Prenez donc garde de ne pas vous faire embrouiller vous aussi !

 

MON KET, France, Belgique 2016 – Réalisation : François Damiens. Scénario : François Damiens, Benoît Mariage. Image : Virginie Saintmartin. Avec : François Damiens, Matteo Salamone, Tatiana Tojo, Christian Brahy. 89 Min.

Maren Leutfeld (22) fait des études de langues et de littératures romanes à Tübingen. Elle a regardé six films pendant le festival du film francophone à Tübingen de 2018 et a surtout été impressionnée par la diversité culturelle présentée dans les films.

Quelle des Fotos: « Mon Ket », Studio Canal