Ce n’est pas un manque de talent mais ta personnalité…
Par Ines Buchta
À 35 ans, on est trop vieille pour devenir actrice. Quand Emma, 34 ans, personnage éponyme, s’en rend compte, elle décide non seulement de mettre fin à sa carrière laborieuse, mais aussi à sa vie. Emma Peeters de Nicole Palo transforme ce qui est probablement le plus sérieux de tous les thèmes en une comédie.
Des jours agités pour Emma Peeters (Monia Chokri) : hier, le directeur de l’atelier de théâtre lui a dit au sujet de sa performance : « Ce n’était pas un manque de talent mais ta personnalité » et aujourd’hui elle est l’employée du mois comme vendeuse d’appareils électroniques. Emma pense qu’elle a frappé à la mauvaise porte. C’est le moment où elle commence à entrevoir, qu’elle doit arrêter tout cela. Elle passe la nuit dans sa cachette secrète, son armoire, sort le lendemain matin et marche directement vers l’ordonnateur des pompes funèbres.
L’histoire d’une actrice, dont la carrière connaît des débuts difficiles, est une histoire que nous rencontrons souvent de nos jours. Ce qui rend l’affaire si spéciale, c’est qu’Emma ne veut pas faire les choses à moitié. Il y a 15 ans qu’elle est venue à Paris pour devenir actrice, mais 15 ans plus tard, elle travaille toujours dans un magasin d’appareils électroniques. Emma est épuisée. Elle veut aller jusqu’au bout : pourquoi n’arrêter que le métier d’actrice et celui de vendre des choses inutiles ? Pourquoi ne pas en finir avec cette triste existence et ne pas s’arrêter directement de vivre ?
Décidée à mettre fin à sa vie, cette jolie femme célibataire commence à recueillir des informations pour réussir un suicide sans douleur. Elle crée une « liste de choses à faire avant de se suicider » et fixe la date de son projet au jour de son anniversaire : la semaine suivante.
L’organisation inclut aussi une visite chez les pompes funèbres, et là, elle rencontre le calme et compréhensif ordonnateur des pompes funèbres, Alex (Fabrice Adde). Au début, il est un peu perplexe : c’est la première fois, qu’il parle avec une de ses clientes : normalement elles sont mortes et il ne parle qu’avec leurs proches. Finalement, il ne l’aide pas seulement à cocher la fameuse liste, mais aussi à tout organiser. Emma et Alex savent bien se débrouiller pour cacher leurs sentiments, c’est ce qui rend la situation quelquefois plus compliquée.
La comédie est le premier long métrage de la réalisatrice belge-américaine Nicole Palo, née en 1977 aux Etats-Unis. Nicole Palo cherche à s’identifier à son personnage principal, Emma Peeters. Dans une interview, elle avoue avoir été très frustrée après avoir écrit son premier film. Elle voulait saisir cette frustration et en faire la matrice de son nouveau scénario.
Pour le rôle d’Emma, Nicole Palo a cherché une actrice, « qui fasse croire à sa volonté de se suicider » tout en étant une bonne comédienne. Elle a trouvé cette combinaison avec Monia Chokri, une Canadienne avec des yeux gigantesques et avec une mimique aux multiples facettes, très riche. Alex est joué d’une manière authentique par Fabrice Adde. On l’a vu dans les films The Reverant aux côtés de Leonardo DiCaprio, dans Eldorado et Les Premiers, les Derniers du réalisateur belge Bouli Lanners.
La caméra, souvent fixe, capte beaucoup d’émotions, une femme qui roule des yeux ou qui joue avec ses lèvres en dit quelquefois plus que mille mots. Le spectateur peut comprendre par sympathie les sentiments d’Emma et des autres. Beaucoup de choses restent inexprimées, mais pourtant on peut les comprendre.
On peut dire que c’est une histoire simple, sans trop de fioritures, sérieuse, cependant parfois drôle. L’humour noir donne au film une légèreté qui fait oublier que l’on parle d’un sujet aussi sensible que le suicide.
Emma Peeters, Belgique 2018 –
Réalisation : Nicole Palo. Scénario : Nicole Palo. Image : Tobie Marier Robitaille. Avec : Monia Chokri, Fabrice Adde, Stéphanie Crayencour, Andréa Ferréol, Anne Sylvain. 87mn.
Ines Buchta (26) est étudiante en français à l’université de Tübingen. Elle aime regarder des films pour découvrir de nouveaux mondes, ce que le festival a une nouvelle fois, parfaitement réalisé.
